
Photo la Dépêche du Midi
site Jean-Michel : http://www.fclavedan.fr/
« La Poste 2020 : Conquérir l’avenir », le point de vue général et concret (digital et relation clientèle) de Jean-Michel LAVEDAN, Conseiller en management, Formateur bancaire, interrogé par Philippe Ramos, Manager à La Poste.
Philippe Ramos: Bonjour Jean-Michel. Compte tenu de l’actualité, il nous est apparu nécessaire de réagir aux dernières nouvelles concernant le Groupe la Poste. Je parle non seulement du rapport de Jean Launay remis très récemment à l’Assemblée Nationale mais aussi du CES 2015 à Las Vegas où la Poste a décidé en janvier de dévoiler sa stratégie pour l’Avenir. Que t’inspirent ces différents évènements, éléments, tant comme ancien banquier que comme Conseiller en management ?
Jean-Michel Lavedan : Comme tous les réseaux bancaires, l’heure est à la mobilisation générale vue la concurrence de plus en plus accrue entre établissements. Beaucoup de choses avancent très vite et il est impératif de ne pas se laisser décrocher par les concurrents. D’où je pense votre nouveau Plan Stratégique et toutes les annexes proposées aujourd’hui.
P.R : Sans trop m’avancer, compte tenu de la stratégie dévoilée, de l’intégration d’une innovation disruptive comme le digital, le numérique, ton point de vue sur un Change Management, sans aller jusqu’à évoquer celui de la Poste par exemple?
Jean-Michel Lavedan : Pour définir le change management, je m’appuierai sur quelques principes, pour moi, fondamentaux :
• La responsabilité de chacun à assumer son rôle et ses compétences ;
• La performance à rechercher dans l’atteinte des objectifs ;
• L’exemplarité pour seule règle dans l’accompagnement des collaborateurs ;
• L’écoute et le dialogue pour partager la réussite du changement ;
• La solidarité pour fédérer le groupe dans cette phase de transition ;
• L’implication dans le changement.
Si les managers se réalisent dans ces critères et partagent le dialogue avec l’ensemble de leurs collaborateurs, cette étape de changement en sera énormément favorisée dans sa réussite.
P.R : Bref un mélange des 6 approches du changement de Kotter et Shlesinger, des méthodes MSP et MMC, des approches d’intégration d’acquisition de P.Hasperlagh et D.Jemison etc.
Que penses-tu comme l’explique John P. Kotter dans son dernier ouvrage *, du fait qu’il peut être « obligatoire » qu’il soit nécessaire d’établir un sentiment d’urgence auprès des employés pour obtenir leur l’adhésion et/ou une solution aux problèmes pouvant être rencontrés lors d’un change management ?
Jean-Michel Lavedan : la transparence aidant, indispensable également, surtout s’il y a urgence réelle et des risques avérés pour l’emploi, peut le justifier. Un électrochoc peut-être quelque fois salutaire.
P.R : Jean Launay parle des Maisons de la Ruralité autour de la Poste et des Postiers. Si l’ensemble des acteurs joue le jeu, penses-tu que ceci pourrait être une solution tant pour les obligations de la Poste (aménagement du territoire, avec son coût) que pour les élus locaux sans oublier les clients ?
Jean-Michel Lavedan : Le gros avantage pour moi aujourd’hui, c’est la qualité du maillage territorial par vos bureaux de proximité pour la population française. Pour l’avoir souvent entendu dans vos réseaux concurrents lors de mes formations, votre présence dans tous les coins de France est un atout important pour toucher le maximum de clientèle. Parce qu’une majorité de clients désirent toujours un contact visuel avec son interlocuteur, tous vos collaborateurs ont un rôle important à jouer, là où la concurrence est absente !
P.R: Le numérique, « la révolution du XXI ème siècle » fort probablement, avance à grands pas et envahit tous les espaces de notre environnement quotidien. Les Banques, les assurances font et ont fait des efforts très conséquents en ce sens, en peu de temps. Il apparaît logique que le Groupe la Poste ne peut rester en dehors de cette révolution, tant au niveau du courrier, du Réseau que de la Banque. A ton avis est-ce compatible avec la notion de Service Public ? Quelles en seront les conséquences aussi (lire aussi : lien)?
Jean Michel Lavedan :
1. Modifications organisationnelles interne (dans l’entreprise): bien sûr que nous avons intérêt à nous engouffrer dans ces nouvelles technologies facilitant le rapport de chacun avec sa banque ! Nous devons simplement répondre au mieux aux attentes des clients. Certains souhaitent la rapidité par la technologie, où qu’il se trouve et quelle que soit l’heure de communiquer avec sa banque. Par contre pour les autres, le contact et la proximité d’une agence, d’un contact humain sera toujours privilégié. Il est donc nécessaire d’assurer chaque contact en fonction de la typologie de clientèle.
2. Modifications de la relation clientèle : pour faire suite aux propos précédents, le ciblage et la segmentation de la clientèle doit nous aider à identifier quels types de clients préférera les technologies actuelles par rapport au contact habituel avec son conseiller ou son agence bancaire, ceci afin d’optimiser les moyens à mettre en face chaque demande.
P.R: Quant à l’organisation de l’entreprise, ces modifications, peut-on évoquer même le fait du nécessaire changement de culture, de son adaptation à ce nouvel environnement (technique, clients) avec l’ensemble des conséquences induites évoquées encore récemment dans « Leading Change » de J.P Kotter sans oublier les travaux de Denis Meingan, de Fanny Bauer Motti et de Dominique Richard par exemple ?
Jean-Michel Lavedan : je ne suis pas rentré dans les détails des travaux cités mais je veux simplement dire que la simplicité prévaut sur tout le reste. Donnons à chaque client la réponse adaptée à sa demande. La technologie informatique ne remplacera jamais le conseil personnalisé d’un professionnel en face à face. Le tout reste de bien identifier ce qui est demandé par les clients aujourd’hui. Le changement attendu c’est bien l’adaptation à ces demandes, toutes différentes suivant les attentes et le rythme de vie de nos clients.
P.R: En fait ici la conduite du changement doit être faite avec beaucoup de « finesse, de rigueur et de réflexion ». Sur qui doit-on s’appuyer en interne déjà ? Des leaders comme le préconise JP Kotter, « ces personnes qui souvent ne payent pas de mine » et que tout bon DRH devrait avoir décelé ?
Jean-Michel Lavedan : Oui, les leaders sont d’excellents moteurs mais les trouver n’est pas évident. Ce sont souvent des employés qui ne paraissent pas, car ils sont jalousés voire «cassés » par peur. La Surcompétence fait peur, Laurence J. Peter dans son principe l’a bien expliqué, mais je ne t’apprends rien. C’est eux aussi qui permettent la mise en place de l’Innovation Systématique (cf. Peter Drucker, innovation et Sérendipité également), pas d’innovation « disruptive » également sans eux, l’ipho… en est un exemple flagrant. En interne, dans cette gestion du changement demandée par la hiérarchie pour répondre aux nouvelles demandes de la clientèle, je préconise toujours la communication, l’échange et le partage des connaissances pour ensemble réussir à mettre en place des nouveaux process pérennes, sans oublier que tant les compétences que l’HUMAIN sont indispensables.
P.R: L’apport d’aide extérieure, de collaboration avec d’autres acteurs peut-il être utile ? Knut Haanaes et David Kiron dans leur dernier ouvrage le conseillent (voir aussi webinar du 28/01/2015 du MIT en collaboration avec le BCG et l’ONU : à lire, lien) ? Ton avis ?
Jean-Michel Lavedan : c’est toujours un avantage d’avoir un avis externe, détaché de tout lien avec l’entreprise afin de favoriser l’objectivité des apports. Je le constate souvent moi-même : après avoir appartenu plus de vingt ans à la même entreprise, le fait de visiter des entités du même groupe, pourtant similaires, m’apporte toujours des visions différentes et complémentaires de notre métier. Comme dans le sport, pouvoir étudier « l’adversaire » dans un monde fortement concurrentiel procure des avantages indéniables quant aux stratégies à mettre en place pour à la fois fidéliser nos propres clients mais aussi et surtout pour en conquérir de nouveaux.
P.R: Que penses-tu par exemple du concept de 2Spar : « conduire le changement, 1 mn par jour » ?
Jean-Michel Lavedan : Conduire le changement, c’est un état d’esprit ! Pas besoin nécessairement de chronomètre, mais… Je sais néanmoins m’adapter à ce monde en mouvement, à mon environnement quotidien sans cesse différent. Parce que mes clients le sont eux-mêmes changeants dans leurs demandes, ceci suffit à me stimuler pour rester dans la course, pour garder ce lien fort d’une relation client qualitative. Toutes ces nouvelles demandes ou sollicitations de la clientèle m’aident à me remettre en question, chaque jour un peu plus, pour toujours tenter d’élever mon niveau de savoirs et mon expérience personnelle. Je change, je m’informe pour progresser régulièrement dans mon expertise professionnelle, mais aussi humaine et sociale. C’est ça la vraie adaptation au changement !
P.R: tu connais parfaitement le monde bancaire pour y avoir tant exercé comme commercial et encadrant mais aussi comme formateur. Avec ces expériences, l’incidence du numérique, le changement de relation clientèle etc., ne penses-tu pas nécessaire par exemple que les Conseillers Bancaires doivent rapidement si ce n’est fait appréhender tous ces bouleversements ?
Jean-Michel Lavedan : Bien sûr, c’est plus que nécessaire pour ne pas se sentir déconnecté de son environnement, pour garder un lien professionnel fort avec ses clients qui eux aussi progressent de leur côté dans la connaissance bancaire. Lors de mes accompagnements de commerciaux sur le terrain, dans des entretiens réels, je ressens bien l’exigence des clients qui a énormément progressé ces dernières années. Ils deviennent très exigeants, quant aux services, aux tarifs, etc. Si de notre côté, nous ne progressons pas pour garder le contact dans notre professionnalisme quotidien, nous ne nous rendrons même pas compte que nous perdons nos clients partis chercher ailleurs une compétence qu’ils ne nous reconnaissent plus. Nous devons toujours prendre conscience de notre marge de progression personnelle, existante dans cet univers bancaire en mutation faute de quoi, nous disparaîtrons au profit de ceux qui se seront adaptés plus rapidement que nous. C’est aussi simple que ça. Seule une remise en question régulière permet d’évoluer pour répondre aux changements permanents imposés par les mouvances de notre clientèle.
P.R: Dans le cadre décrit par le BCG avec K.Haanaes et D. Kiron, ne serait-ce pas également utile aussi que ces conseillers puissent connaître « ce qui se fait à la concurrence » ? Je parle certes des méthodes de vente mais aussi des moyens utilisés pour tout simplement faire venir le client en agence.
Jean-Michel Lavedan : Un rapide constat issu de ces dernières années de formations bancaires sur le terrain, au contact de très nombreux clients : ils reprochent à leurs banques de les avoir mal traités ! Pour quel motif ? Profiter de la fidélité pour se voir « imposer » de nombreux produits et services, rarement compris et donc ressentis comme vendus au forcing pour enrichir l’enseigne au détriment de la relation client !
Beaucoup de réseaux sont en reconquête de leurs propres clients, les plus anciens, les plus fidèles, devenus conscients de l’industrialisation des ventes bancaires et qui veulent quitter leur enseigne au reproche d’un manque de clarté dans la commercialisation de la plupart de leurs produits ou placements détenus.
Il devient donc essentiel aujourd’hui de reparler de vraie Relation clients, de fidélité et confiance partagées, d’actes commerciaux gagnant/gagnant. Les clients de plus en plus informés (revues financières, internet, etc.) sont devenus méfiants et très regardants, donc, désormais, une exigence jamais connue jusqu’alors. Il est donc primordial de rencontrer chaque client, un à un, dans chaque agence ou à leur domicile, pour refixer des nouvelles règles de fonctionnement mélangeant professionnalisme et humanisme pour enfin générer cette relation client pérenne parce que de confiance partagée !
P.R: Le numérique, voire l’installation de MOOC d’entreprise (cf. Emeline Castelbou : « Comment faire du business avec un MOOC ? ») va-t-il changer le travail des Conseillers Bancaires ?
Jean-Michel Lavedan : Peu importe le canal de communication avec le client, il faut impérativement qu’il y perçoive notre réelle volonté de le servir au mieux de SES intérêts et non plus qu’il se sente « sur-sollicité » parce nous avons encore une nouveauté à lui « fourguer » ! Ce sont les propres termes que beaucoup de clients renvoient à leurs commerciaux dans les enseignes où je suis intervenu… Le numérique ne permettra donc plus de telles pratiques.
P.R: Finalement le numérique va donc non seulement changer les entreprises en leur sein dans leur fonctionnement (lien) etc., mais aussi la relation clientèle (lire aussi : lien) ?
Jean-Michel Lavedan : Concrètement, aujourd’hui, il me semble essentiel d’écouter nos clients ! Que demandent-ils ? De la confiance, de la sérénité, du lien humain plutôt que trop d’automates. Certes, l’âge de nos clients réclament plus d’attention. Les jeunes générations veulent une relation simple et rapide pour leurs opérations courantes, pas forcément humaine ou physique, mais il sera toujours bien d’éduquer tous nos clients dans le conseil familial et patrimonial. Si nous n’apprenons pas à nos jeunes clients à venir à l’agence, nous courons le risque de ne jamais plus les revoir.
Lors d’entretien de découverte clients, il est nécessaire de rencontrer l’ensemble des membres d’une même famille afin d’établir les liens de la relation bancaire des uns avec les autres. C’est à la suite de cette rencontre que chacun va choisir son mode de connexion à son agence bancaire, mais en rappelant toujours que rien ne remplacera le conseil personnalisé issu d’un entretien adapté.
Le prix d’une bonne relation c’est comme celui d’un acte commercial : gagnant/gagnant pour les deux parties ; la satisfaction doit exister des deux côtés. C’est à nous d’expliquer à chaque client que nous devons établir et entretenir un lien régulier suivant les besoins et que chacun doit répondre aux sollicitations de l’autre (par téléphone, par mailing, par courrier, par visite, etc.).
Il est également vital d’enrichir régulièrement la base informatique de données clients : numéros de téléphone, mails, etc. sinon les démarches de communication sont vouées à l’échec… Chaque collaborateur du réseau doit systématiquement vérifier avec vos clients l’état des coordonnées détenues afin de créer un fichier clients digne de ce nom.
P.R: Pour conclure, dans cet environnement en mutation, les entreprises ont dû comprendre la nécessité de s’adapter, en quoi font-elles appel à toi en ce sens actuellement ? Quelle est aussi l’importance de l‘outsourcing marketing et de formation à ton avis ?
Jean-Michel Lavedan : Déjà au niveau de la formation, indispensable, une vision extérieure à l’entreprise ne peut qu’être profitable à cette dernière. Dans toutes celles dispensées ces dernières années, les basiques ont pu être remis en évidence et ainsi « s’afficher et être réintégrés » : simplicité et efficacité des méthodes proposées, sérénité et bien être au quotidien pour pouvoir travailler avec efficience (phoning, etc.), du bon sens retrouvé et surtout l’Humain au cœur de tout cela ! Tant dans la relation avec notre clientèle que dans le management interne, une communication efficace et sincère associant tous les acteurs du réseau, bref réussir ensemble dans cette culture désormais incontournable du changement imposé par votre vie moderne, trépidante et rapide. De notre adaptabilité viendra la réussite collective. L’apport d’une vision extérieure permet ainsi de recentrer quelques fois cet indispensable qualité que doit-être la relation avec la clientèle et le B2C.
P.R: Merci Jean-Michel, à bientôt pour plus de détails pratiques encore !
* « Leading Change », Harvard Business review press
Très instructif, bien construit et détaillé. Merci
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Bonjour et merci de ce bel échange
• La responsabilité de chacun à assumer son rôle et ses compétences
Le plus grand nombre endosse leur rôle avec sérieux, la difficulté du réseau actuellement parfois par manque de collaborateur, se retrouvent momentanément accaparés par d’autres tâches que celles initialement données
• La solidarité pour fédérer le groupe dans cette phase de transition
Dans des périodes de grands bouleversements la solidarité est mise à rude épreuve, l’intérêt individuel prime malheureusement sur l’intérêt collectif, d’où la grande nécessité d’accompagnement de transition.
Le gros avantage pour moi aujourd’hui, c’est la qualité du maillage territorial par vos bureaux de proximité pour la population française.
Le maillage effectivement de notre réseau est un atout majeur et nous avons du mal à l’exploiter, dichotomie entre les besoins de gestion de réduction des coûts et l’indispensable présence d’interlocuteurs conseils en FAF tous nos clients en zones rurales n’ont pas le degré de technologie pour passer en numérique et le courrier demande du temps en back office.
Oui, les leaders sont d’excellents moteurs mais les trouver n’est pas évident. Ce sont souvent des employés qui ne paraissent pas, car ils sont jalousés voire «cassés » par peur. La Surcompétence fait peur
Oh oui la difficulté étant de prendre le temps d’identifier ces collaborateurs précieux de l’ombre !
D’avoir en tant que manager la modestie de reconnaître que nous ne détenons pas le pouvoir de la connaissance, de l’innovation…
« Le pouvoir est un mauvais professeur. Il pousse les gens intelligents à croire qu’ils sont infaillibles ».
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